En janvier, l’université d’Artois ouvre son semestre culturel par une thématique essentielle et profondément actuelle : la mémoire et la transmission. À travers une exposition, un atelier de pratique artistique et une projection de film, il s’agit d’interroger ce que nous héritons, ce que nous choisissons de raconter, et ce que l’oubli produit lorsqu’il s’installe.
À l’heure où, sur plusieurs scènes politiques internationales, des discours de repli, de réécriture de l’histoire et de banalisation des violences refont surface, se souvenir devient un acte culturel et citoyen. La mémoire n’est pas un regard figé vers le passé : elle est un outil critique pour comprendre le présent et éclairer l’avenir.
Rendre visibles les traces effacées
Avec l’exposition « Stratégie de l'effacement », l’université propose une réflexion sensible et politique sur ce qui disparaît des récits dominants. Qu’il s’agisse de mémoires individuelles, collectives, sociales ou historiques, l’effacement n’est jamais neutre. Il interroge les rapports de pouvoir, les silences imposés et les traces que l’on choisit – ou non – de conserver.
L’exposition invite à regarder autrement : à prêter attention aux absences, aux marges, aux fragments. Elle rappelle que transmettre, c’est aussi refuser l’invisibilisation et redonner une place à ce qui a été tenu à l’écart.
Créer pour transmettre
La mémoire ne se conserve pas uniquement dans les archives : elle circule aussi par les gestes, les images et la création. L'atelier de dessin, collage, sérigraphie, tampons et copies propose d’explorer ces questions par la pratique artistique.
En manipulant des techniques liées à la reproduction et à la trace, les participant·es sont invité·es à réfléchir à la notion d’original, de copie, de répétition et de transformation. Que transmet-on lorsqu’on reproduit une image ? Que reste-t-il d’un souvenir lorsqu’il est transformé par le temps, le regard ou le geste artistique ?
Cet atelier se veut un espace de transmission active, où l’on fabrique du sens autant que des images.
Le cinéma comme passeur d’histoire
Avec la projection du film « Josep », le cinéma devient un puissant vecteur de mémoire. À travers le destin de Josep Bartolí, dessinateur et combattant antifasciste, le film rappelle l’histoire de l’exil, de l’enfermement et de la résistance face aux régimes autoritaires.
Le recours à l’animation et au dessin souligne combien l’art peut devenir un refuge, mais aussi une arme de témoignage. Le film fait le lien entre les tragédies du passé et les échos qu’elles trouvent encore aujourd’hui, rappelant que les idéologies d’exclusion et de haine ne surgissent jamais ex nihilo.
Une vigilance nécessaire
Ces trois propositions, complémentaires par leurs formes et leurs approches, dessinent un même horizon : celui de la vigilance. Dans un contexte international marqué par la résurgence de discours de haine et d'intolérance, par la remise en cause de faits historiques et par la fragilisation des valeurs démocratiques, la mémoire apparaît comme un rempart fragile mais indispensable.
Transmettre, ce n’est pas imposer un récit unique, mais donner les outils pour comprendre, questionner et résister. En ouvrant ces espaces de réflexion et de création, l’université d’Artois affirme le rôle central de la culture : former des esprits critiques, conscients de l’histoire et attentifs aux signes du présent.
Se souvenir, aujourd’hui, n’est pas un luxe. C’est une nécessité.