Chercheur d’origine hongroise, Orosz Gabor présente une activité scientifique internationale en psychologie sociale depuis plus de 10 ans. Il fréquente les universités d’Eötvös Loránd, Académie des Sciences Hongroise, Szeged, Aix-Marseille, Reims, Stanford. Il collabore avec des chercheurs issus de toute la planète (Israël, Canada, Angleterre, etc.). Spécialiste des « wise interventions », il travaille sur la compréhension et la modification des croyances qui influencent nos pensées, émotions et comportements. Il travaille également sur des thèmes tels que la résiliation du soi, les motivations et buts académique, les Growth mindset beliefs, la perspective temporelle, le style interpersonnel de l’enseignant et la pleine conscience.
Depuis septembre 2020, il a intégré l’équipe du laboratoire SHERPAS (UFR des STAPS basée à Liévin) grâce à l’obtention d’une bourse conséquente (financement issu du dispositif proposé par la région des Hauts-de-France «STaRS» : Soutien à l’accueil de Talents de la Recherche Scientifique). Un projet qui a été soutenu par l’université d’Artois, le SHERPAS, l’unité régionale de recherche UREPSSS, et donc financé par la région des Hauts-de-France.
Interview du chercheur en psychologie sociale, Gabor Orosz, qui a intégré le laboratoire SHERPAS
Artois Mag’ : Pourriez-vous nous décrire votre parcours ?
Gabor Orosz : Je suis originaire de Hongrie où j’ai effectué mes études. J'ai commencé à travailler là-bas en tant qu'ATER, puis j'ai réalisé un doctorat en cotutelle entre la France et la Hongrie. J'ai ainsi passé 18 mois dans chacun de ces deux pays pour apprendre le métier de psychologue social. La psychologie
sociale est une science qui s'attache à expliquer comment les situations interpersonnelles ont un effet sur notre comportement, nos pensées, nos sentiments, etc. C'est dans le cadre de ce domaine scientifique que j'ai rédigé ma thèse intitulée Représentations sociales de la compétition, de la fraude et de la triche en France et en Hongrie. La psychologie sociale et la psychologie de l'Éducation ont toujours suscité mon intérêt, c’est pourquoi je me suis spécialisé dans ce domaine.
Après mon doctorat, j'ai surtout travaillé en Hongrie où j'ai fait la connaissance du Professeur Philip Zimbardo, de l'université de Stanford, connu mondialement pour avoir mené la fameuse "expérience de Stanford", une expérience sur les effets de la situation carcérale réalisée avec des étudiants volontaires. Avec lui et différents experts hongrois, nous avons mis en place une Organisation Non Gouvernementale qui a permis de vulgariser la psychologie sociale en Hongrie auprès des professeurs d'école. Cette ONG, dont on a beaucoup parlé dans les médias, a rencontré beaucoup de succès. C'est grâce à cette expérience que j'ai reçu une bourse, il y a six ans, pour me rendre à l'université de Stanford où j'ai fait connaissance avec la méthodologie des interventions psychosociales qui s’attachent à favoriser des situations dans lesquelles les étudiants aient le moins de blocages susceptibles d'entraver leur parcours scolaire. C’est là-bas que j’ai appris les bases de cette méthodologie avant de revenir ensuite dans mon pays où j'ai rejoint un laboratoire de psychologie sociale spécialisé dans ce type d'interventions. Puis mes collègues de Stanford m'ont de nouveau invité pour deux ans dans leur université où j’ai poursuivi mon apprentissage dans mon domaine de recherche. J’ai eu la possibilité de revenir en Europe grâce à mon ami Camille Amoura, del’UFR STAPS de Liévin, qui m'a proposé de rejoindre le laboratoire SHERPAS qui s'intéresse à la vulnérabilité et au lien social, en combinant différentes méthodologies (sociologie, histoire, science du sport, etc.) dans le but de réduire les situations de vulnérabilité. C’est le début d’une nouvelle aventure avec mes collègues de Liévin.
Artois Mag’ : Comment s’est passée votre arrivée à l’université d’Artois ?
Gabor Orosz : Je suis arrivé en septembre 2020, au milieu de la crise sanitaire. J’avais déjà fréquenté d’autres universités françaises, puisque j’ai effectué mon doctorat à l’université de Reims et que j’ai réalisé un séjour Erasmus à l’université d’Aix-en-Provence. Depuis 2016, j’avais eu l’occasion de venir à trois reprises à l’université d’Artois pour de courts séjours, une fois d’ailleurs en compagnie de mes doctorants hongrois.
Artois Mag’ : Sur quoi portent vos recherches au sein du laboratoire SHERPAS ?
Gabor Orosz : Nous menons actuellement une recherche exploratoire sur les inquiétudes des étudiants, que nous avons initiée au sein de l’UFR STAPS où est logé l’atelier SHERPAS. J’effectue une recherche comparative sur les inquiétudes des étudiants en Hongrie, en Serbie, en France et aux États-Unis. Sur la base des données plutôt qualitatives que j’ai recueillies (je n’ai pas encore les résultats des données qualitatives) je peux déjà dire que la santé mentale des étudiants de l’UFR STAPS de Liévin est bonne en comparaison de celle des étudiants provenant d’universités d’autres pays. Ce que je constate à Liévin c’est que les étudiants décrivent souvent leurs professeurs comme très proches d’eux, compréhensifs, ayant à coeur de les aider, ce qui crée chez eux un sentiment d’appartenance très important. Même si la situation actuelle est compliquée et que les étudiants de première année n’ont pas eu la chance de se rencontrer beaucoup, ils perçoivent qu’il existe une entraide assez forte entre eux en début d’année, au moment de la transition entre le lycée et l’université. Cela contribue à les motiver. Je ne sais pas encore ce qu’il en est pour les autres étudiants de l’université d’Artois mais les résultats des études menées à l’UFR STAPS de Liévin sont très bons. Au cours de ce genre d’études exploratoires, si on constate qu’il y a des inquiétudes spécifiques à certaines filières en particulier, on utilise des interventions qui ont fait leurs preuves aux États-Unis, par exemple en les adaptant au pays pour faire un travail de précision. Ainsi, nous allons par exemple chercher de nouveaux moyens pour aider les étudiants à combattre le stress en montrant comment un sportif peut le gérer et l’utiliser de manière positive et constructive pour obtenir de meilleurs résultats.
Artois Mag’ : Malgré le contexte sanitaire actuel avez-vous eu la possibilité de rencontrer des étudiants de l’UFR STAPS ?
Gabor Orosz : Très peu, mais dans le cadre de nos interventions de recherche, nous avons accès à la description écrite de leur situation par le biais des questionnaires que nous leur avons adressés. Le peu d’entre eux que j’ai pu rencontrer en personne étaient d’ailleurs très sympathiques. J’ai eu l’occasion, en revanche, de beaucoup discuter avec leurs professeurs et de constater que la proximité qu’ils ont avec leurs étudiants est vraiment exceptionnelle.
Même si leur emploi du temps est chargé, ils prennent toujours le temps de discuter avec eux. Indépendamment des pays, dans les universités dites «prestigieuses », les professeurs ont souvent moins le temps de parler avec les étudiants. C’est vraiment un grand avantage pour les « petites » universités d’apporter cette ambiance accueillante aux étudiants qui peut vraiment faciliter leur apprentissage.
Artois Mag’ : Vos recherches vont donc s’étendre bientôt aux autres UFR de l’université d’Artois ?
Gabor Orosz : Absolument, parallèlement aux premières études que nous avons menées, nous essayons de trouver le matériel d’intervention qui puisse être le plus utile pour un maximum d’étudiants de l’université. Nous utilisons un système informatique qui est nouveau à l’université d’Artois. Nous avons dû commander le nécessaire et nous avons dû veiller au stockage des données personnelles.
Il faut veiller aux problèmes potentiels d’éthique ce qui prend énormément de temps en amont. Mais nous devrions bientôt pouvoir démarrer nos études avec d’autres facultés de l’université à la fin de ce semestre pour passer à un niveau national plus tard.
L’année prochaine nous essaierons d’effectuer des interventions auprès du public étudiant, dans l’idée d’améliorer leurs résultats et de diminuer le décrochage, en particulier pour ceux d’entre eux qui sont en situation de vulnérabilité, soit parce qu’ils appartiennent à un groupe minoritaire, soit parce
qu’ils n’ont pas eu de très bons résultats au lycée ou encore parce qu’ils ont des difficultés familiales par exemple, toutes ces situations pouvant favoriser le décrochage ou de moins bons résultats. Le but de nos interventions est d’augmenter leur potentiel d’apprentissage en levant des barrières psychologiques.